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Date de création : 12.03.2011
Dernière mise à jour : 30.03.2011
3 articles


Bayeux suite et fin (mais cela a ete laborieux)

Publié le 30/03/2011 à 20:01 par blogdedebloque

BAYEUX

 

 

 

 

 

 

 

 

La Reine

 

Son noble front soucieux

Altère son air aimable

La colère des cieux

Pour mon geste blâmable1

 

Je saurais la surmonter

Par la force de mon cœur

Etonné par la beauté

De ses traits jadis moqueurs

 

Hélas d’où vient cet effroi

Qui déforme son visage

Un funeste coup de froid

Voilà ce que j’envisage

 

Il me faut le questionner

Oui je me dois de savoir

Pourquoi s’est-il amené

Sous le chêne du lavoir2

 

Quoi vous Seigneur en ce lieu ?

Ne vous ai-je point chargé

D’une mission à Bayeux3

Vous sentez –vous trop âgé ?

 

Le Comte

Le Comte

 

 

 

 

 

Le poids funeste du temps

N’infléchit pas ma valeur

Oui j’ai soixante printemps

Je n’y vois pas un malheur.

 

Le monarque votre époux

(Ô privilège ineffable !)

Ne cherchant point les poux

Dans la paille de l’étable

 

Connaissant parfaitement

La gloire de mon glaive

Même avec ma jument

Il sait bien qu’il se lève

 

Ce monarque vous dis-je

Appréciant les effets

De ma célèbre tige

S’est dirigé droit au fait

 

Ne voyant que son courroux

Observant avec horreur

Votre attrait pour les hommes roux4

Il me traite avec fureur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Reine

 

 

 

 

 

Ô sombre infortune !

Ô funeste destinée !

Union inopportune

Pendant toutes ces années

 

Par cette union je règne

Mais d’une simple jument

La jalousie m’étreigne5

Je brûle sous ses tourments6

 

Mais nous devons oublier

La femme et non la Reine

Et même en tablier

Notre attitude sereine

 

Prouvera notre grandeur.

Il nous faut nous surpasser

Questionnons avec ardeur

Ce qui vient de se passer7

 

Cessez vos sautillements !

Je ne vois pas de monture !

Pourquoi ces boitillements ?

Chaussez-vous mauvaise pointure ?

 

 

 

 

 

Le Comte

 

 

Ô sort vil et funeste

Ô comble de l’infortune

Je préfèrerais la peste

Etre perdu dans les dunes8

 

Oui je ne suis point parti

Le galop de mon cheval

N’a pas retenti

Dans la plaine, dans le val

 

Au croisement du chemin

Il n’y a pas de vacher

Qui d’un geste de la main

M’indiquera l’évêché9

 

Ah Madame je rougis !

Voyez quelle est ma gêne !

Ce triste sort qui agit

Ah plaignez le pauvre Eugène10

 

Nous ployons tous sous le joug

Dame Nature a ses lois11

Devant elle nul ne joue

Ma confession je vous dois.

 

La Reine

 

 

 

Parlez Monsieur de grâce

Je vous prie libérez vous

Car je ne tiens plus en place

Mes oreilles sont pour vous12

 

Tous ces horribles secrets

Qui engorgent votre âme

Je les vois comme des rets

Qui feront que l’on vous damne

 

Parlez Monsieur je l’ordonne

A l’épouse de Guillaume

Je ne veux point de maldonne

Au fondement du royaume.

 

Il n’est de pire cloaque

Il n’est d’âcre puanteur

Que même un pauvre Slovaque

Ne transforme en bonne odeur

 

Parlez Monsieur à la Reine

Gaussez vous de vos tourments

Tel le martyr13dans l’arène14

Soulagez-vous bonnement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Comte

 

 

 

 

Non ! Reculer je ne puis !

Ce silence me torture

Je pensais être compris

Ce n’était point forfaiture !

 

Nul coursier tumultueux

N’effraie mon cœur affermi

Quelques gestes affectueux

Et je m’en fais un ami

 

Mais dompter mes entrailles

Ignorer superbement

Que je veux qu’il s’en aille

Le flux de mes excréments

 

Je le veux ! Mais ne le puis

A l’appel de la trompette

Malgré le meilleur appui

Il me faut me soumettre

 

Ce besoin de déféquer

Qui torture mon sphincter

Il m’interdit de vaquer

De quitter le phalanstère15

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Reine

 

 

Ah cruel comme je souffre !

Cette gloire et ses exploits

Tout cela sent le soufre

Je recule avec effroi

 

Un obstacle aussi chétif

De ma gloire est le trépas

Je te vois bien rétif

A l’attrait de mes appas

 

Tu les as bien oublié

Les tumultueux Tartares

Ces féroces cavaliers

Voyant qu’il se faisait tard

 

Pour faire cuire le repas

Le plaçaient sous la selle

Oui ! Eux ne se gênaient pas16

Pour aller à la selle

 

Fi de la promiscuité

L’air froid des grands espaces17

Emportaient leurs saletés

Et leurs cris de rapaces !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Comte

 

 

 

Mon cœur pleure, pleure mon coeur18

Je languis pour le tombeau

Ma Reine a de la rancœur

Et mon âme est en lambeaux

 

Ô mes glorieux travaux

Je ne vois en vous qu’outrages

Tout cela plus rien ne vaut !

C’est clair comme un vitrage

 

Tel le barbare féroce

Enfourchant sa monture

Je n’ai besoin de carrosse

Pour épandre ma mixture

 

Mais souiller l’harnachement

Où vos chiffres sont gravés19

Se soulager lâchement

C’est trop m’en faire baver !

 

Je vous aime Madame !

Calmez ce cruel courroux

Voyez toutes mes alarmes

Car je me retiens pour vous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Reine

 

 

 

Folle était ma conduite !

Pourras-tu me pardonner

Ta belle âme m’a séduite

Mais je ne peux me donner

 

C’est mon cœur que tu emportes

A toi ! Je cède ma foi !

Mon corps tu le supportes

Sera toujours pour mon Roi20

 

Soulage tes intestins

Foin de vaines bravades

Car après chaque festin

Il faut que tout s’évade !

 

Cache toi près de ce mur21

Fais confiance à l’onde claire

Tes deux mains sur tes fémurs

Engage un grand pas de clerc

 

Soulage ! C’est un ordre

Après avoir terminé

Répare le désordre

Et tu pourras cheminer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Comte

 

 

 

Avec joie j’obtempère

A ce doux commandement

Il faut bien que j’opère

Et sans nul amendement

 

Mais quelles sont ces armures

Qui étincellent au soleil22

Elles avancent sans murmures

Devant elle ça balaie !

 

Ciel ! C’est votre époux ! Le Roi !

Vers nous son armée s’avance

Il est beau quand il guerroie

Son renom le devance

 

Et le vôtre Madame !

M’est cause de souci

Je suis en tenue d’Adam

Il pensera qu’est-ce ceci ?

 

Ma Reine je dois mourir

Afin de vous protéger

Je ne veux point voir rire

Derrière vos pas légers

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Reine

 

Le poison dont ma bague

Est fort approvisionnée23

Bien meilleur qu’une dague

A sa mort l’a amené.

Mon cœur tremble sous l’émoi

J’entends des pas rappliquer

Le Roi s’avance vers moi

Sire ! Je peux tout expliquer !

 

Le Roi

 

C’est à moi de m’exprimer

De me confesser à vous

Car Eugène m’a aimé

Eh Madame je l’avoue

Soucieux de ma gloire

Il préféra le trépas

Dès lors il me va falloir

Renoncer à ses appas.

Nous nous devons l’honorer

Car nous deux il a aimé !

Pour sa mémoire adorée

Que nous faut-il embaumer ?

 

La Reine

 

Cette nouvelle m’étonne

Mais puisqu’il est éteint24

Ne restons point atone25

Proposons …les intestins26

 

 

1 De suite apparaît l’influence pascalienne du jansénisme.

2 Magnifique scène de présentation ! Nous aimerons toujours Meaucorcine, qui à l’aide du symbole de St Louis sait faire vibrer notre cœur.

3 Admirons comme l’auteur ancre habilement sa pièce dans la réalité. En effet ce n’est pas déflorer l’intrigue que de signaler le fait que le Comte n’ira jamais à Bayeux, et que jusqu’à nos jours la tapisserie de Mathilde, épouse de Guillaume le Conquérant s’y trouve encore.

4 Même réflexion que dans la note précédente : nous savons avec certitude qu’un aristocrate roux a bien existé.

5 Le thème de l’amour par la jalousie se retrouve dans l’emprunt que Proust doit à Meaucorcine

cfUn amour de Swann

6 Encore une fois notre grand auteur a été pillé. Racine lui doit la peinture de la passion.

7 Corneille n’a pas hésité à piller Meaucorcine pour les notions de stoïcisme et de devoir.

8 En 1642 a été imprimé à Amsterdam le dernier tome de :Sur les dunes du bas Languedoc

9 C’est en 1153 que le pape Calixte III érigea la ville de Bayeux en évêché.

10Supra note 1, p.2. L’aristocrate que nous mentionnons dans cette note se nommait effectivement Eugène,

cf Registres paroissiaux du royaume de France.

11 Certains commentateurs perçoivent dans ces vers les prémisses du Siècle des Lumières et l’arrivée des Encyclopédistes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12 Nulle ambiguïté dans ce vers. La reine s’affirme seulement attentive à la confession du Comte.

13 Cf la vie de St Perelac, esclave romain.

14 La richesse de la rîme et la musicalité de la versification caractérisent l’œuvre de Meaucorcine.

15 Nous sommes ici confondus et admirons à nouveau l’art du grand auteur classique. En effet il balance la trivialité des vers précédents par la préciosité et la froide élégance du terme antique, un génie !

16 Ces deux strophes sont géniales, car avec une grande force poétique elles font avancer l’intrigue. Elles brossent un portrait psychologique de la Reine : une femme passionnée et cultivée qui pour libérer son courroux fait appel à des images violentes voire sauvages.

17 Des commentateurs inconséquents, au jugement hâtif, ont vu une faiblesse de style (promiscuité dans les grands espaces), là où st trouve le trait de génie : Promiscuité de la horde de cavaliers s’engouffrant dans l’immensité des plaines.

18 Ce vers a inspiré A. Chénier, l’auteur deLa jeune Tarentine :« Doux alcyons, Ô vous doux alcyons pleurez… »

19 Nous serons toujours éblouis par Meaucorcine : Là où Molière se moque de la préciosité, notre auteur l’a fait fleurir chez le guerrier.

20 Tel un tableau impressionniste, par touches subtiles, l’auteur achève le portrait psychologique de la Reine, femme généreuse et passionnée mais toujours consciente de son devoir.

21 Encore un trait novateur dans cette œuvre, car le XVIIe siècle ne prête aucune attention à la nature. Il faudra attendre Marie-Antoinette pour que soit construit le Petit Trianon.

22 Quelle émotion ! Enfin on découvre les sources dela Légende des siècles

23 Fine observation psychologique ! Il est bien connu que pour tuer, les femmes préfèrent le poison à l’acier.

24 Après compulsion des archives de la famille de Meaucorcine, j’ai la possibilité d’affirmer que l’auteur laissait le choix à ses interprètes toute licence quant à l’opportunité de respecter ou non la liaison

25 cfsupra la note N°2 de la présente page.

26 Cette petite sottise (que, en ce qui me concerne, j’aime beaucoup) se termine un peu brutalement, car la rédaction de ce grand poème commençait à me lasser. Il ne me restait pour trouver une solution élégante à cette lassitude que la solution de la mise à mort.